Intégrer l’ESG dans 890 agences

La trajectoire durable de France Travail

 

Le temps de lecture : 5 minutes

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Pour le quatrième épisode de Tapio Talks, nous avons échangé avec Sandrine Cormier, cheffe de projet RSE chez France Travail. Après avoir commencé sa carrière sur l’aspect social de l’ESG, elle coordonne la Trajectoire bas carbone de l’organisation.

Avec plus de 10 ans d’expérience dans le domaine, Sandrine guide France Travail vers un objectif clair : réduire de 35 % les émissions de CO₂ d’ici 2030. Pour y parvenir, l’organisation a réalisé son dernier bilan carbone avec Tapio, afin de s’appuyer sur des bases solides pour l’action.

Mais comment une organisation nationale de 58 000 collaborateurs et plus de 890 agences peut-elle y parvenir ? Sandrine partage dans cet entretien des enseignements précieux.

 

 

Les bases de l’engagement des collaborateurs

 

Atteindre un objectif aussi ambitieux nécessite une forte impulsion de la direction. Mais cela ne suffit pas.

Comme l’explique Sandrine : « Cela ne peut pas être seulement un exercice top-down. Pour que notre stratégie de durabilité soit efficace, elle doit aussi être portée par celles et ceux qui la vivent au quotidien. »

France Travail combine une stratégie nationale avec un fort ancrage local. Chaque région compte des correspondants RSE, et chaque agence dispose de son ambassadeur ou ambassadrice. Leur rôle est double : relayer la stratégie nationale et, surtout, faire remonter des idées locales qui peuvent être déployées à grande échelle.

L’un des exemples préférés de Sandrine vient d’une agence qui a repensé ses jours de télétravail. En synchronisant les jours de présence au bureau, les collègues habitant dans la même zone ont pu covoiturer plus facilement. « C’est une idée simple, mais efficace — et elle n’a nécessité ni budget, ni nouvelle infrastructure », dit-elle.

Pour renforcer encore l’engagement, France Travail utilise aussi la compétition comme levier. Chaque année, l’organisation organise un Trophée RSE pour récompenser les initiatives locales. Sur le volet énergie, des tableaux de bord partagés permettent aux agences de comparer leur consommation, créant une dynamique d’émulation et d’apprentissage mutuel.

 

 

La mobilité : un défi de coordination entre de nombreux acteurs

 

La mobilité est l’une des catégories les plus difficiles à adresser et représente une part importante de l’empreinte carbone de France Travail.

Le défi vient du nombre d’acteurs impliqués :

  • 58 000 collaborateurs et collaboratrices
  • les demandeurs et demandeuses d’emploi se rendant dans les agences
  • les partenaires et fournisseurs
  • d’autres visiteurs du réseau d’agences

La digitalisation et le télétravail ont déjà réduit les déplacements professionnels, mais les trajets domicile-travail et les visites restent plus complexes à influencer. « Nous encourageons les transports en commun, le covoiturage ou le vélo, mais tout le monde n’y a pas facilement accès. Les visioconférences sont également essentielles dans notre stratégie de mobilité », précise Sandrine.

Le véritable défi consiste donc à coordonner l’ensemble de ces acteurs tout en restant fidèle à la mission première de France Travail : accompagner les demandeurs d’emploi.

 

 

Les achats : soutenir les fournisseurs qui en sont encore au début de leur parcours

 

Les achats représentent un autre grand défi, en particulier parce que 90 % des dépenses de France Travail concernent des prestations intellectuels. Il est donc difficile de collecter des données physiques permettant une comptabilité carbone précise.

Sandrine et son équipe concentrent leurs efforts sur deux axes :

  • améliorer les données : passer de ratios monétaires à des mesures plus physiques
  • impliquer les fournisseurs : beaucoup de petites et moyennes entreprises ne sont pas encore soumises à des obligations légales de reporting en matière de durabilité

À propos du niveau d’engagement des fournisseurs, Sandrine explique : « Ils sont souvent intéressés mais ne savent pas par où commencer et ne sont pas aussi matures que nous. Notre rôle, en tant qu’institution publique, est de les accompagner pour que leurs progrès soient bénéfiques à la fois pour eux et pour nous. »

 

 

L’énergie : un levier pour des premiers résultats rapides

 

L’énergie a constitué un point de départ plus simple que la mobilité et les achats. France Travail avait déjà intégré la comptabilité carbone depuis 2011, et a réalisé son dernier bilan carbone avec Tapio. Les objectifs nationaux d’efficacité énergétique ont ajouté un élan supplémentaire. Des actions claires et des résultats visibles ont permis d’obtenir l’adhésion des équipes.

Les mesures clés comprenaient :

  • limiter le chauffage à 19 °C en hiver et la climatisation à 26 °C en été
  • regrouper les équipes sur moins d’étages lors des journées de fort télétravail
  • passer à un éclairage LED
  • nommer des coordinateurs et coordinatrices énergie régionaux pour suivre et soutenir les agences
  • publier la consommation mensuelle par site et la comparer aux moyennes régionales

Ces actions ont permis d’obtenir des résultats tangibles : la consommation d’électricité a été réduite de 16,8 % entre 2021 et 2023, dépassant les attentes nationales.

 

 

Conclusion : le changement demande du temps

 

Après dix ans dans la RSE, la leçon la plus importante de Sandrine est la patience.

« Quand on commence, on veut que tout aille vite. Mais le changement n’est pas linéaire. Les gens ont besoin de temps pour comprendre, s’adapter et modifier leurs habitudes. Parfois il y a des avancées, parfois des reculs. L’essentiel est de garder le cap, d’accompagner plutôt que de forcer, et de célébrer les progrès. »

Son approche pragmatique, inclusive et patiente montre comment une institution publique de la taille de France Travail peut transformer des objectifs ambitieux en changements durables et concrets.